Fuck it + Frea

La nuit dernière un paquet d’ossements était arrivé à l’institut. On m’avait réveillée à 3h du matin pour que je vienne les examiner. Il s’agissait d’une routine, on ne retrouve que très rarement des victimes dans les heures de bureau.  La nuit fut donc très courte et après avoir relevé tout ce que je pouvais des os, j’avais décidé de changer mon cours pour un cours pratique où les étudiants étudieraient les mêmes os et me dire quelle conclusion ils en ressortaient. Il était désolant de voir que ce qui était autrefois une personne à part entière était devenu un amas d’os qui entraient dans une petite boîte de carton.  Devant les têtes fébriles des étudiants qui entraient dans la classe, je souriais. « OK OK! Asseyez-vous. Aujourd’hui, nous allons faire quelque chose de différent. Depuis le début je vous martèle la tête avec de la théorie et des images. Mais ce n’est pas suffisant, vous devez pouvoir faire vos premiers pas dans la profession et vous exercer. Alors, on va analyser de vrais ossements. Nous les avons retrouvés cette nuit et il nous faut voir d’où ils proviennent, de qui et ce qui s’est passé. Vous vous sentez prêt à devenir de vrais anthropologues? » J’étais une personne plutôt chaleureuse. Froide devant la science, puisque je devais me fier à ce que je pouvais prouver, mais cela ne m’empêchait guère d’être approchable. Je sortis les ossements de la petite boîte et reconstituai le squelette sur la table devant moi. Les étudiants descendirent pour mieux les voir. « Mme asbjornson, comment feriez-vous pour savoir d’où viennent ces ossements? » Je hochai la tête et lui retournai la question. Je voulais qu’ils puissent répondre d’eux-mêmes à leurs questions. « Écoutez, cette victime, qu’elle soit ici ou pas, elle nous parle. La forme de son arcade sourcilière tend à nous dire qu’il s’agit d’une personne provenant de l’Afrique, noire. Chez les Occidentaux cela n’est pas aussi prononcé. Quoi d’autre? » La suite du cours se déroula de manière assez impressionnante. Ils étaient vraiment motivés et ils semblaient avoir apprécié le côté plus pratique.

Après avoir tout rapporté à l’institut, je me dirigeai vers l’autre partie de ma personnalité. Une partie qui demandait toute autant d’investigation, mais qui pouvait ne pas se jouer par les règles du jeu. Je regardai mon partenaire sortir de sa salle d’interrogatoire préférée, il avait l’air d’avoir besoin d’une pause. Qu’est-ce que la victime avait encore fait ? Parce qu’au fond, quand il était comme ça, c’était qu’on venait de lui faire perdre son temps. Je n’approuvais pas toujours ses manières, mais il était efficace et plutôt bien à mater. . Je devais lui dire à quel point il avait l’air ridicule dans cet uniforme. Vêtue d’un pantalon aux tissus légers, coupe droite bleue assortie à son veston et à une chemise bleue blanche, j'attendis un petit moment avant de le rejoindre. Je pris entre temps un dossier de ma mallette et pris le temps de relire les conclusions d’une autre unité sur une enquête qui nous avaient refilée. Il était évident au vu des radiographies, des antécédents de blessures et de la malnutrition que ces filles avaient été torturées et avaient servi au trafic humain. Ces deux imbéciles n’avaient conclu à aucune négligence ou crime, disant que puisque le « mari » s’était présenté au poste, il ne s’agissait que d’une querelle… Ces trois sœurs avaient été retournées là-bas. Il était peut-être déjà trop tard pour elles, mais j’allais trouver ce salaud. « Tu as déjà vu ça toi, ces deux débiles ne sont même pas capables de faire de bonnes conclusions… Ou ils ne voulaient juste pas s’en mêler. Je te jure que … je vais les zigouiller si je les vois. » Dis-je certaine qu’il s’agissait de mon partenaire à l’Aura perceptible à mille kilomètres dans cette pièce qui nous est si familière. « Salut beau blond. Ça va jusque maintenant ta journée? Tu sais que t’as l’air coincé là-dedans!? » rigolant de plus belle. « Pardonne-moi, ce n’est pas très gentil. » Dis-je en un dernier rire.