Meredith > Life has ups and downs

Le dernier SMS de Meredith fait renaître un sourire sur les lèvres d’Ezra. Il range son téléphone à l’intérieur sa veste, heureux que la jeune maman bouleversée retrouve son sens de l’humour. Un vent frais chasserait-il déjà les nuages noirs qui ont assombri sa conscience ? Ou a-t-elle trouvé un substitut plus fort que le Chardonnay ?
Et en parlant de vin blanc… Ezra ne plaisantait qu’à moitié en évoquant la nécessité de piller une cave ! S’en procurer dans ce paisible quartier résidentiel relève de la gageure. Le bus l’a déposé à deux pâtés de maisons de chez Meredith, où les commerces de gros sont aussi rares qu’un poisson dans un désert.
Les sommeliers aussi.

L’as de la débrouille tente sa chance dans la seule épicerie des environs. Sans surprise, l’offre se limite à du picrate à la robe rouge. Un plaisir pour les bourses légères (bien que le tarif soit 30% plus élevé qu’en grandes surfaces). Mais une horreur pour les papilles raffinées de mademoiselle Evans !

Dans son état, n’importe quelle vinasse ferait sans doute l’affaire, songe Ezra devant l’étiquette pleine de promesses.

Il ressort du magasin les mains vides.
Ezra a toujours en tête l’image de la jeune femme défigurée, choquée, dans sa voiture accidentée puis son lit d’hôpital. Après ce qu’elle a vécu, cette femme mérite mieux qu’un fond de tonneau.

Au terme d’une habile négociation dans le seul pub du coin, le bon samaritain fait l’acquisition d’une Madame De Rayne. La bouteille est enveloppée d’un sachet kraft pour entretenir son mystère.

Le soleil, à peine visible derrière le voile blanc qui recouvre le ciel, est déjà bas sur l’horizon lorsqu’Ezra presse le bouton de la sonnette.
Il recule pour se mettre bien en évidence. Après la rencontre fortuite qui l’a dévastée, Ezra ne serait guère étonné que Meredith soupçonne la visite de son ex-mari ou d’un fauteur de trouble.
Le rideau d’une fenêtre s’écarte. Tout sourire, l’homme brandit le sachet couvrant la bouteille à la manière d’un passe lui octroyant un droit d’entrée.
La porte s’ouvre.
Les deux amis ne se sont pas vus depuis des lustres.
À voir la tête de Meredith, Ezra comprend que cette fois, un simple appel téléphonique n’aurait pas suffi à lui remonter le moral.
Malgré sa joie flétrie, l’invité maintient l’étirement de ses lèvres.

— Tu as bonne mine, Mere ! ment-il avec l’aplomb d’un arracheur de dents. Ça faisait longtemps, pas vrai ? Et pardon d’arriver si tard, j’ai dû semer les cavaliers de la police montée avant d’arriver ici…

Petit clin d’œil amusé. Ils se donnent un hug chaleureux, l’occasion pour Ezra de renifler l’haleine de la jeune femme, puis se cloisonnent dans l’habitat. L’intérieur est propre, coquet au regard du Londonien qui vit dans un appartement dépouillé de Soho.

— Alors, comment ça va ? Je veux dire, en dehors de cette rencontre éprouvante. Noah se porte bien ?

Il extrait la bouteille de vin de son emballage de fortune, fraîche comme la rosée du matin.

— Je n’ai pas trouvé de Chardonnay, mais ce blanc liquoreux de Sauternes est pas mal du tout. Suffisamment riche en bouche pour enchanter le palais, et assez puissant pour dissoudre les résidus d’idées noires.

@Meredith Evans